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L'intérêt du travail en RÉSEAU DE SOINS pour le patient

D’après une interview avec le Docteur Bruno Dell’Isola,
Chef de service de Médecine Interne,
Hôpital Suisse de Paris

 

Face à une population vieillissante, au nombre croissant des maladies chroniques (telles que les cardiopathies, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète) et à un déficit de personnel soignant, le gouvernement a imaginé une transformation en profondeur de notre système de santé.
La stratégie « Ma santé 2022 », annoncée en 2018 par le président de la République, veut favoriser une meilleure organisation des professionnels de santé.

Ces derniers devront travailler ensemble afin d’assurer une meilleure coopération au service de la santé des patients.
Le but ? Rassembler les soignants en ville et à l’hôpital autour de projets de santé adaptés à la population de leur territoire pour assurer de véritables parcours de soins, au sein desquels les patients ne se retrouveront plus seuls à assurer la coordination des différents professionnels de santé.

Cette volonté du gouvernement d’améliorer le parcours de soins du patient passe par la création de CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) autour d’un projet de santé ciblé en s’appuyant sur les compétences présentes sur le territoire.

Chaque professionnel de santé (hospitaliers, ambulatoires, médico-sociaux…), à leur niveau, peut se joindre à une CPTS ou en créer une selon les besoins locaux pour créer de vrais réseaux de soins pour leurs patients. La coordination des acteurs de santé place ainsi le patient au cœur du dispositif. Au-delà des CPTS, l’avenir se profile donc vers un travail coordonné des professionnels de santé en réseau et la fin d’un cloisonnement entre spécialités ou entre ville et l’hôpital.

Dans le domaine de la cicatrisation, une profonde réflexion a été menée pour une meilleure coordination. Le but est de dégager du temps médical et infirmier et ainsi entraîner une mobilisation d’un certain nombre d’acteurs autour des patients. Le traitement d’une plaie ne se fait pas de façon indépendante. En effet, on appréhende le patient dans son ensemble en prenant en compte son âge, son hygiène de vie, son alimentation et une éventuelle maladie chronique.

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Les hôpitaux de proximité, comme par exemple l’hôpital Suisse de Paris, de par leur activité de soins de suivi polyvalents et post opératoires font face à une forte demande de soins de plaies. L’hôpital Suisse de Paris a donc décidé de mettre en place une nouvelle offre de soins « Plaies et Cicatrisations » destinée aux plaies complexes et/ou chroniques.

La prise en charge multidisciplinaire se fait alors dans un milieu favorable avec une coordination médico-sociale avec l'association :

  • D'une équipe médico-soignante spécialisée en plaie-cicatrisation
  • D'un secteur de consultation pluri-professionnelle (phlébologue et angiologue, diabétologue, diététicienne, assistance sociale, kinésithérapeute etc...)
  • D'un hôpital de jour
  • D'un plateau technique avec imagerie et laboratoire d'analyses médicales
  • D'un service de médecine en cas d'hospitalisation nécessaire
  • D'un équipement de téléconsultations (suivi des patients EHPAD ou mobilité réduite) 

L’intérêt d’une prise en charge dans un établissement tel que l’hôpital Suisse, avec l’existence d’un réseau de soins, réside dans une prise en charge précoce et adaptée qui va raccourcir la durée et les coûts de la cicatrisation.

Que ce soit pour des plaies aiguës dues à des chutes ou brûlures domestiques, des plaies de type chirurgical d’évolution défavorable ou des plaies chroniques fréquentes en gériatrie (escarres, ulcères de jambe, plaies du pied diabétique), les patients peuvent être adressés par n’importe quel acteur de soin en ville (médecin généraliste, infirmière, pharmacien, kinésithérapeute…).

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À leur arrivée au centre de cicatrisation, un diagnostic précis et un protocole de soins primaires sont mis en place, avec entre autres : un bilan local, locorégional et général, une prise en charge de la douleur, des prescriptions de produits pharmaceutiques et enfin la formation du patient et de son entourage à l’auto-soin.

La continuité des soins est un élément essentiel de la qualité des services. Une évaluation régulière doit être réalisée par des infirmiers libéraux ou en hôpital de jour et en cas d’aggravation en hospitalisation conventionnelle. Du point de vue du patient, une telle prise en charge pourra modifier le comportement au quotidien et l’hygiène de vie et ainsi entrainer une meilleure qualité de vie.

La prise en charge du patient étant améliorée, on va éviter des hospitalisations, réduire le temps de séjour hospitalier et diminuer les délais de cicatrisation.

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Il est souvent difficile pour les professionnels de santé de coordonner leurs actions et contributions à cause des fragmentations qui existent dans notre système de santé. Dans le cadre précis de la cicatrisation où l’on peut avoir recours à une multiplicité d’acteurs de soins, la présence du réseau va faire gagner du temps. Les soignants se sentent moins seuls et les patients plus entourés. Le partage entre professionnels d’un même réseau qui s’occupent des mêmes patients ou des mêmes pathologies est donc valorisé. De plus, avec un tel schéma, les différents acteurs ne sont pas en concurrence mais partagent leurs domaines de compétence. 

Qu’il soit en CPTS, en centre de cicatrisation ou bien dans une cohésion ville/hôpital ou ville/ville, le travail en réseau est essentiel à la cicatrisation. Ce système centré sur la prise en charge globale du patient s’avère efficace pour le patient et les praticiens. De plus la coopération interdisciplinaire entre les différents soignants profite à chacun des partenaires et permet d’engendrer des économies de temps et d’argent.

Pourquoi une prise en charge HOLISTIQUE dans la cicatrisation ?

D’après une interview avec le Docteur Bruno Dell’Isola,
Chef de service de Médecine Interne,
Hôpital Suisse de Paris

 

Le soin d’une plaie implique de traiter ses causes. On ne traite pas que la plaie mais bien le patient dans sa globalité.
Le soin des plaies se trouve au carrefour de nombreuses disciplines. Lorsque l’on parle d’approche holistique de la prise en charge des plaies, on a affaire à une approche structurée et complète du traitement des plaies. Il faut prendre en compte les différents facteurs qui peuvent affecter la cicatrisation de la plaie afin d’avoir une bonne base de référence pour suivre le processus de cicatrisation. Des ajustements peuvent être faits toujours dans le but d’une meilleure prise en charge. Dans cet article, nous allons passer en revue tous les aspects à prendre en compte pour une cicatrisation optimale.

Dans la prise en charge d’un patient avec une plaie, l’examen local prend en compte l’état cutané. Celui-ci va être synthétisé dans une grille grâce à un diagnostic coloriel : nécrose, fibrine, bourgeonnement, épidermisation. Le bilan locorégional va permettre d’évaluer l’état vasculaire et osseux et rechercher des complications infectieuses (érysipèle, abcès). La taille et la profondeur (photos et mesures par réglettes adaptées) des lésions vont permettre d’évaluer la gravité de la plaie afin d’adapter les soins locaux et le suivi.

Il est important de contrôler immédiatement la douleur car celle-ci peut être un obstacle aux soins, ce qui peut empêcher la cicatrisation de la plaie et augmenter le risque d’infection. Une prise en charge adéquate de la peau péri-lésionnelle et de la cause de la plaie évitera au lit de la plaie de s’agrandir. Une fois l’examen local terminé, il faut évaluer le patient dans sa globalité : présence d’une pathologie chronique, état général, hygiène, mobilité, activité physique…

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On distingue LA PLAIE AIGUË qui est liée à un traumatisme extérieur accidentel sans facteur susceptible de retarder la cicatrisation (brûlures, plaies post-opératoires) et LA PLAIE CHRONIQUE dont le délai de cicatrisation est allongé en raison d’une pathologie associée (plaies du pied diabétique, escarres…).

Les plaies chroniques touchent surtout les personnes âgées. Le diabète, les problèmes vasculaires ou les états de mobilité réduite augmentent ainsi le risque d’incidence. Les plaies possèdent des caractéristiques différentes, elles se distinguent en fonction de leur origine, de leur durée et de leur processus de cicatrisation.

Selon le type de plaie, cela va donner lieu à une prise en charge spécifique. Il est donc important d’identifier toutes pathologies chroniques associées au processus de cicatrisation.

Souvent mise de côté, la nutrition est un élément clé pour le processus de cicatrisation. Les besoins protéiques sont plus importants chez un patient en phase de cicatrisation que dans la population générale et une carence protéique affecte toutes les phases de cicatrisation.

La mise en place du processus de régénération tissulaire et le remplacement de la perte de substance par du tissu conjonctif passent par un apport protéique suffisant. La dénutrition chez les patients va entrainer un retard de la cicatrisation et pour le soignant une augmentation du temps des soins. Il est donc important de faire appel à une diététicienne qui pourra faire en sorte que le patient ait un apport nutritionnel optimal en faisant une évaluation complète de ses habitudes alimentaires, tout en prenant connaissance de ses antécédents médicaux, bilans sanguins… Cela lui permet de créer un plan alimentaire personnalisé qui pourra par la suite être évalué et corrigé si nécessaire.

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L’importance de l’hygiène dans la cicatrisation est cruciale. On doit prendre soin de la peau de manière régulière et l’examiner même en dehors de la zone où se trouve la plaie. Par exemple, la macération lors du port de couches (incontinence ou excès de transpiration) favorise les escarres. L’hygiène du corps passe par la responsabilité du patient (quand il en est capable) et de celui des aides-soignantes et infirmières qui pourront les guider et les éduquer. Cela va au-delà du geste technique du pansement.

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Il n’est plus à prouver que la pratique d’une activité physique adaptée peut contribuer à accélérer la cicatrisation, en particulier chez les patients les plus âgés. Il est bien évidemment important d’évaluer le besoin de repos des patients mais l’exercice n’est pas un frein à la guérison. Même une marche rapide peut être bénéfique pour améliorer la cicatrisation. Chez les patients avec un niveau de forme physique bas, la prise en charge kinésithérapique permet de prévenir les chutes en renforçant la musculature des membres inférieurs. Des podologues-pédicures peuvent permettre la mise en place d’orthèses plantaires afin de corriger les appuis vicieux qui sont source de lésions chroniques.

Enfin, l’avis d’un ergothérapeute va permettre d’accompagner le patient dans ses activités quotidiennes. Il pourra mettre en place un plan d’intervention directement relié au traitement de la plaie. Dans le but d’éviter les chutes, on pourra procéder à un retrait des tapis, des aménagements d’appuis par barres d’appuis murales et la gestion des forces de pression (installation de lits médicalisés avec matelas anti-escarres, orthèses statiques).

Pour illustrer notre propos, nous pouvons prendre l’exemple de l’ulcère de jambe. Dans ce cas, le médecin généraliste est souvent le premier intervenant. Selon l’HAS, chez tout patient présentant un ulcère des membres inférieurs, il est dans l’intérêt du patient de rechercher les antécédents pouvant orienter le diagnostic étiologique (confirmer si une maladie veineuse ou autre affection est à l’origine de la plaie (diabète, artériopathie…) vers une origine partielle ou exclusive.

Il convient ensuite d’évaluer ses comorbidités et ses facteurs de risques (+50 ans, tabagisme, excès de poids…). Dans le but de préserver le capital veineux du patient, il sera recommandé d’avoir une activité physique (30 minutes de marche rapide au moins 3 fois/semaine). Le patient doit adopter les bonnes postures (éviter de piétiner, dans le lit surélever les pieds de 10 à 15cm) et dans le cas d’un contact incomplet de la voute plantaire avec le sol durant la marche, il convient de consulter un podologue. Le patient devra éviter la chaleur (sauna, hammam) et prêter attention à certains vêtements et chaussures. Il est également indispensable d’opter pour une alimentation équilibrée.
Dans le cas d’un ulcère veineux, la compression sera nécessaire.)
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En conclusion, le traitement local de la plaie reste une priorité majeure mais il représente moins de 30% du processus de cicatrisation. En effet, la prise en charge d’une plaie est bien plus complexe que le simple fait de la recouvrir d’un pansement. Tenir compte du terrain global du patient est un élément important. Avec une bonne connaissance des antécédents médicaux (existence de comorbidités avec prise en charge de la maladie causale et/ou facteurs de risques), l’établissement d’une bonne hygiène de vie (alimentation équilibrée, activité physique), on pourra favoriser la guérison. Enfin, la traçabilité des soins est capitale si on veut assurer une bonne prise en charge du patient et assurer la continuité des soins.
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D’après une interview avec le Docteur Bruno Dell’Isola,
Chef de service de Médecine Interne,
Hôpital Suisse de Paris

1. Un diagnostic rapide

Pour toute plaie de façon générale, la rapidité est un facteur clé.


Plus on pose un diagnostic rapide, plus on traite rapidement et plus on a de chance de guérison. Quand on prend trop de temps, le risque d’atteinte nécrotique augmente et le délai de cicatrisation est considérablement accru. Chez les personnes à risques de plaie chronique (diabétiques, personnes âgées…), il est donc important d’évaluer régulièrement, notamment au moment des toilettes, l’état de la peau et la présence éventuelle de rougeurs ou de lésions.

Le score de Norton, une échelle d’évaluation du risque d’escarre, se révèle être un outil précieux. Ce score doit être réalisé régulièrement (au moins une fois par semaine) afin de guider le choix du matelas et le degré de prise en charge kinésithérapique. Le diagnostic rapide doit tenir compte des pathologies sous-jacentes ou des comorbidités dont peut souffrir le patient.

Enfin, il peut également nécessiter des examens complémentaires comme l’échodoppler, l’index de pression systolique ou le test de monofilament pour le diabète 

2. Un travail d'équipe

Une équipe pluridisciplinaire est indispensable dans la gestion des plaies.

 

Chaque plaie est particulière et nécessite une vision stéréoscopique à différents niveaux :

  • Infirmiers et aides-soignants : vision locale. Ils connaissent le traitement local et peuvent prévenir l’apparition de nouvelles lésions. Ils ont également une vision plus sociale du patient et peuvent mettre en avant des problèmes d’isolement.

  • Médecins généralistes et spécialistes : vision plus globale. Ils contextualisent la plaie dans une pathologie générale. Un traitement local ne peut pas suffire s’il existe une pathologie sous-jacente.

  • Diététicien, kinésithérapeute, assistant social : vision spécifique d’un pan de vie du patient. Ils permettent une prise en charge complète.

  • Pharmaciens : vision du médicament et du pansement. Ils assurent une dispensation de qualité auprès du patient et de sa famille.
3. L'expertise de l'équipe

L’intérêt du travail en équipe pluridisciplinaire est que chaque personnel soignant apporte son expertise.

 

L’expertise est indispensable pour une bonne gestion des plaies. Qu’elle soit obtenue par un diplôme (ex : DU) ou par l’expérience, l’expertise de chaque membre de l’équipe soignante va permettre d’adapter les soins au fur et à mesure du processus de cicatrisation.

Il existe des règles générales en fonction du type de plaies. Néanmoins, pour un même type de plaie, les soins peuvent différer en fonction de différents facteurs (état général du patient, hygiène, douleur, environnement, localisation…). Chaque membre de l’équipe doit pouvoir amener son expertise à son niveau.

4. Des soins adaptés localement

Chaque plaie a besoin d’un traitement local spécifique.

 

Le diagnostic coloriel va guider le choix des soins locaux mais il n’est pas le seul élément à prendre en compte. En effet, une plaie très humide peut nécessiter un pansement qui absorbe les exsudats. Néanmoins, au bout de 24h, cette plaie peut devenir trop sèche et il faudra alors changer de soin.

De même, en fonction de l’atteinte nécrotique, une détersion peut s’avérer nécessaire, mais le choix de la méthode va dépendre de la plaie et du patient. Il faut donc savoir adapter les soins en fonction des patients mais aussi en fonction de l’évolution de la cicatrisation chez un même patient. Il faut savoir se remettre en cause !

5. Une nutrition de qualité au centre de la prise en charge holistique

Une plaie ne cicatrise pas quand le patient est dénutri !


Une nutrition protéique adaptée est nécessaire pour permettre à la peau de guérir. Si l’on imagine les soins locaux comme le ciment nécessaire à la reconstruction de la peau, l’alimentation, elle, apporte les briques indispensables. Le suivi du poids et de l’IMC est un élément obligatoire lors d’une hospitalisation et cela devrait être également le cas en ville. La prise en charge de la nutrition par un diététicien est importante, particulièrement pour les plaies chroniques. Au delà de la nutrition, il est important de prendre en compte le patient dans sa globalité, c’est à dire les pathologies sous-jacentes et les comorbidités dont il peut souffrir mais aussi son âge, son hygiène ou son activité.

6. La traçabilité des soins locaux

La traçabilité des soins locaux tout au long du parcours de soins est indispensable pour une continuité des soins optimale.

 

Que ce soit en ville, ou à l’hôpital, il est important de mettre en place un dossier partagé (informatique ou sous forme de carnet de liaison) afin que tous les intervenants puissent suivre l’évolution de la plaie. Tout le monde peut et doit contribuer à ce dossier avec son expertise (recommandations, ordonnances, photos…). Un professionnel de santé ne travaille pas 24h/24, il est donc très important d’avoir un descriptif complet et des photos si possible. En effet, une plaie peut paraître en mauvais état pour quelqu’un qui ne l’aurait jamais vue auparavant, mais cette même plaie peut être en meilleur état que la veille. Le dossier partagé est aussi important pour les professionnels de santé que pour le patient lui-même, qui peut alors avoir une vision globale du suivi de sa plaie.

7. La surveillance

La surveillance doit être présente tout au long du processus de cicatrisation mais aussi après la cicatrisation.

 

En effet, une plaie cicatrisée reste une zone sensible et peut donner lieu à des récidives. Il faut donc garder les bonnes habitudes même après la cicatrisation (nutrition, hygiène de vie, surveillance des autres zones).
Chez les sujets âgés, le terrain favorisant les lésions persiste fréquemment. À l’instar de l’ostéoporose pour les os, on peut parler de dermatoporose pour la peau. Il faut donc rester vigilant aux récidives (prévention secondaire) ou à l’apparition de nouvelles lésions dans d’autres endroits (prévention primaire).

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